mardi 9 juillet 2013

Sommes-nous habitués aux terminologies inexactes dans le domaine de l'équitation science, et est-ce que ça éclipse nos progrès?


Voici un article fort intéressant! 

Un des grands avantages d'une approche scientifique sur les comportements est que nous pouvons définir des mots spécifiques, en veillant à ce que tout le monde connaisse ce dont quoi les autres parlent. Malheureusement, dans le domaine de l'équitation, des termes bien établis liés à l'apprentissage sont souvent utilisés à tort. Cela peut être dû à l'ignorance, ou peut-être à un effort de donner une tournure positive à des techniques d'entrainement aversives . 
Même parmi les praticiens de premier plan dans le domaine de la science équine, la terminologie utilisée est parfois en contradiction avec les définitions qui ont été en place depuis 50 ans ou plus.

Conséquences d'une utilisation inexacte de la terminologie:
Alors pourquoi toute cette affaire? Est-ce qu'être préoccupé par la terminologie inexacte est une question de sémantique, ou est-ce la confusion en ce qui concerne la terminologie qui inhibe notre compréhension de l'apprentissage équin, qui réduit l'efficacité de notre entrainement, et compromet le bien-être de nos chevaux?

L'entrainement traditionnel du cheval s'appuie fortement sur des méthodes aversives pour modifier les comportements. Toutefois, si nous voulons compter sur des techniques aversives dans l'entraînement des chevaux, il est essentiel que nous soyons clairs sur le processus d'apprentissage qui se produit lorsque nous utilisons des techniques d'entrainement spécifiques, de sorte que les avantages et les risques puissent être discutés de manière objective.La cohérence dans l'utilisation de la terminologie est essentielle pour que cette discussion objective se produise, et la confusion a le potentiel de nuire à l'efficacité et à l'humanité de notre entrainement . 

Trois termes sont discutés ci-dessous qui mettent en évidence ce problème.

"Renforcement positif ":
Le renforcement positif est un processus de conditionnement opérant où le lien entre un comportement et un stimulus augmente la fréquence de ce comportement dans l'avenir. 
Par exemple, quand le cheval monte dans un van, il reçoit une carotte, puis si le comportement d'entrer dans le van devient plus fréquent à l'avenir, ce comportement aurait été renforcée positivement.
Cependant, il y a une tendance récente pour décrire l'élimination de la pression comme une «récompense» ou un «renforcement positif» parce que le cheval le désire. Le fait que quelque chose d'aversif doit être appliqué puis être enlevé pour être désirable est une triste vérité qui est souvent balayée sous le tapis par cette utilisation impropre du terme. Ce type de renforcement est en fait le renforcement négatif qui, comme la punition positive repose sur l'application de quelque chose d'aversif pour le cheval, afin de modifier les comportements.

"Habituation":
L'habituation est un processus d'apprentissage non associatif où une réaction réflexe à un stimulus diminue progressivement en raison de l'exposition tolérable. Le terme est souvent utilisé en parlant de la réduction d'une réaction de peur. Par exemple, les chevaux qui vivent à proximité d'une ligne de chemin de fer, et qui sont en mesure de s'échapper suffisamment loin de sorte qu'ils n'aient pas trop peur, vont fuir à des distances progressivement plus courtes et devenir moins craintifs lors du passage des trains, ils deviennent habitués aux trains. (j'ai ajouté ci-dessous une vidéo de l'EBTA montrant la réaction des chevaux face à un nouvel objet )



La capacité à gérer l'exposition aux stimuli suscitant la peur, de façon à ce que cette peur soit maintenue à un niveau tolérable est essentiel pour que l'accoutumance se produise.Sans les moyens de s'éloigner, un cheval peut être poussé à un niveau de peur qui interfère avec le processus d'habituation. Cela se produit souvent lors de tentatives mal exécutées de flooding  (1) (ou immersion) (voir cet article dans mon blog http://ppdt-comportementaliste-equin.blogspot.fr/2013/07/abus-psychologiques.html ). Le flooding est initialement très stressant pour le cheval, et il est possible pour le cheval de devenir plus craintif (sensibilisé) aux stimuli plutôt qu'habitué à eux. Dans certains milieu, le terme «habituation» est utilisé pour décrire un tel entrainement, qui masque les risques pour le cheval de dépasser le seuil à partir duquel il peut faire face

"Overshadowing" ou "eclipser":
L'overshadowing se réfère au phénomène de conditionnement classique qui se produit lorsque deux stimuli neutres sont présentés simultanément avant l'exposition à un stimulus inconditionné (2).Après avoir répété l'association le plus saillant (3) des deux stimuli neutres, est plus susceptible de devenir un stimulus conditionné classiquement, suscitant une réaction réflexe conditionnée. Le stimulus le plus saillant est dit avoir "éclipsé" le stimulus le moins saillant au cours de la phase d'acquisition du processus de conditionnement classique. 
L'overshadowing peut également être utilisé pour décrire un phénomène de conditionnement opérant où le plus saillant de deux stimuli discriminatif (4) exerce un plus grand contrôle sur le comportement ciblé (5).

Plus récemment, le terme, overshadowing a été utilisé pour décrire un processus où un cheval est forcé par des moyens aversifs (ou quand un comportement a été entraîné ultérieurement à l'aide de méthodes aversives via le conditionnement opérant), à rester à proximité de quelque chose qu'il trouve menaçant. Par exemple, il est dit que la pression sur les rênes, ou la menace de la cravache, "éclipse", un stimulus suscitant la peur comme tondre son cheval ou une procédure vétérinaire. Tout comme quelqu'un avec arachnophobie finirait par s'habituer aux araignées s'ils étaient forcés d'aller dans une zone infestée de mygales et clôturée par des fils électriques et des barbelés, un cheval peut s'habituer à la tondeuse s'il est forcé de rester près d'elle assez longtemps. Toutefois - en utilisant l'analogie de l'araignée - la personne arachnophobe pourrait devenir si paniquée qu'elles se couperaient ou s'électrocuteraient en essayant de s'échapper, et l'expérience peut les laisser plus effrayés des araignées.La même chose peut se produire avec un cheval s'il est forcé de rester à proximité immédiate de quelque chose qu'il trouve très menaçant.

Alors que le processus d'exposition forcée peut entraîner une réduction à long terme de la peur si elle est effectuée pendant assez longtemps de sorte que le cheval commence à se relaxer (6);ça reste du flooding au travers du processus de prévention de la réponse, plutôt que de l'overshadowing. L'utilisation du terme, Overshadowing, masque à nouveau les risques de flooding : sensibilisation, l'élaboration de stratégies dangereuses de secours, l'impuissance acquise, la peur conditionnée de l'entraîneur ou de l'environnement ou a lieu l'entrainement et de la nature subjective aversive du processus pour le cheval.


Conclusion:
Bien qu il soit excitant que les principes des théories de l'apprentissage arrivent dans le cercle des professionnels du cheval, il y a encore des divergences sur la façon dont certains termes des théories de l'apprentissage sont utilisés et leurs définitions bien établies.Sans clarté venant des cercles académiques sur les termes relatifs aux processus d'apprentissage associatifs et non associatifs, et l'application pratique de ces processus, nous risquons de retarder la possibilité d'apporter un entrainement sérieux et l'amélioration du bien-être dans le monde équestre en général.

(1) Un processus où un animal est exposé à un stimulus suscitant fortement la peur sans aucune possibilité de s'échapper.

(2) Un stimulus qui provoque une réponse instinctive involontaire par l'animal.

(3) Notables 

(4) Signaux 

(5) Par exemple, un signal "attend" fait avec la main, et un signal verbal "attend" peuvent être utilisés conjointement au cours de l'entrainement d'un cheval afin qu'il reste immobile, mais après l'entrainement, le cheval est plus sensible au signal de la main qu'au  signal verbal (conduisant à une absence de réponse au signal verbal alors que l'entraîneur pensait qu'il était en place).

(6) Le laps de temps nécessaire avant que le cheval se détende dépendra de la perception subjective de la menace subie par le cheval.


Source http://www.apbc.org.uk/articles/overshadowing-habituation-positive-reinforcement-in-horse-training

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire