dimanche 30 juin 2013

Les méthodes d’entraînement sont elles toutes les mêmes ?


"Il semble qu'il y ait beaucoup de méthodes d'entrainement qui peuvent être utilisées avec les chevaux. Elles ont habituellement un nom différent, sont souvent basées sur une personne en particulier, mais sont elles vraiment différentes ?

Les chevaux apprennent par essais et erreurs, si une expérience est récompensante alors le cheval s'en rappellera et acceptera plus facilement une présentation ultérieure de ce stimulus. À l'inverse si une expérience est douloureuse, effrayante alors le cheval s'en souviendra et essayera d’éviter le stimulus lors des prochaines présentations... Ceci est connu comme le conditionnement opérant dans les théories de l'apprentissage, où les réponses sont récompensées ou punies.


Utiliser les théories de l'apprentissage pour expliquer l'entrainement est essentiel, parce que ces principes ne sont pas ouverts aux interprétations et peuvent être facilement compris. Alors que certains entraîneurs de chevaux qui ont du succès donnent l'impression qu'on a besoin de talents spéciaux ou de poudre magique pour entraîner les chevaux, une étude scientifique sur les interactions entre le cheval et la personne qui le manipule, montre tout simplement que ce n'est pas vrai.

Un bon exemple de ceci est l'entrainement dans un rond de longe, une technique qui est considérée comme fondamentale dans certaines méthodes d'entrainement.

Entrainement avec un rond de longe:
Durant l'entrainement dans un rond de longe, l’entraîneur chasse le cheval en utilisant des mouvements corporels tels qu'agiter la longe provoquant un départ au galop chez le cheval... Le cheval est chassé jusqu'à ce que le cheval montre des signes spécifiques tels que : l'oreille interne pointée vers l’entraîneur, la tête qui s'abaisse, et un cheval qui se lèche les lèvres et mâchouille. Dès que le cheval montre ces signaux, l’entraîneur arrête de chasser le cheval, et prends une attitude passive, il se décale pour ne plus faire face au cheval et supprime tout contact visuel. Cela permet au cheval de ralentir et de regarder en direction de l’entraîneur.


Comment ça marche ? L'explication commune :
Une des explications courantes de l'entrainement dans un rond de longe est que l’entraîneur imite les réponses comportementales des chevaux dans leur environnement naturel où la structure du groupe est maintenue par une série de signaux visuels utilisés par les chevaux pour communiquer.
Un instigateur de l'entrainement en rond de longe a rapporté qu'un leader équin cherchant à discipliner un jeune montrerait de la dominance en le chassant du groupe et en le gardant à distance... Par la suite le jeune montrerait certaines réponses telles que tourner une oreille vers le cheval dominant, baisser la tête, se lécher les lèvres et mâchouiller... Ces réponses inciteraient la jument dominante à acquiescer en montrant des signaux comportementaux qui incluent : éviter le regard et permettre au jeune de rejoindre le groupe. Quand un processus similaire de dominance et de soumission est transféré dans un entrainement en rond de longe il en résulte que l’entraîneur devient le dominant et le cheval l'accepte comme son leader. (1)


Les problèmes avec l'explication commune :
L'utilisation de signaux visuels pour communiquer avec les chevaux est certainement important, mais il est séduisant de penser que nous pouvons entrer dans leur hiérarchie sociale en imitant leurs signaux et leurs comportements. Les êtres humains sont physiquement incapables d'imiter les signaux des chevaux avec toutes leurs subtilités étant donné que nous n'avons pas les mêmes structures de signalisation visuelle ( ex nos oreilles ne bougent pas de la même façon que les oreilles des chevaux) et bien sûr une fois que nous montons à cheval, nous avons d'autres problèmes avec la communication visuelle parce que le cheval ne risque pas de voir tous nos signaux.
Nous pouvons certainement entraîner les chevaux à répondre à certains signaux visuels, mais nous devons reconnaître que c'est ce que nous faisons, les entraîner à répondre à nos signaux et non imiter les propres signaux de communication des chevaux. Il s'agit d'un concept important à comprendre car il met en évidence que lorsque des méthodes d'entrainement arrivent avec des interprétations fabriquées sur l'éthologie, elles ne sont pas compréhensibles et par conséquent rendent confus ceux qui s'occupent des chevaux.
Il y a un certain nombre d'interprétations différentes concernant les réponses du cheval que l'on s'attend à voir tels que: être considéré comme des signes de soumission (2), que le cheval est prêt à négocier (3), ou peut être des activités de déplacement (4)

Alors qu il est important de se rappeler que nous ne savons pas exactement ce que c'est que d'être un cheval, avec de la logique, des recherches objectives et systématiques, nous pouvons arriver à l'explication la plus plausible.
Le fait que le cheval baisse la tête et se lèche les lèvres et mâchouille, a reçu beaucoup d'attention, voici un résumé de ce que l'observation objective et la recherche ont prouvé à ce jour:
- ces 2 comportements sont rarement effectués simultanément (5-9)
- ils sont pour la plupart réalisées tandis que les chevaux ne sont pas face à face (7,9)
- ils se produisent la plupart du temps tandis que les chevaux marchent, pas durant les allures supérieures (7)
- ils sont plus susceptibles d'être simplement le reflet de la réponse physiologique à la présence d'un potentiel prédateur, où le cheval peut saliver après qu'une libération adrénaline ait provoquée une sécheresse de la bouche, ou tout simplement bouger la mâchoire après l'avoir bien serrée tout en étant chassé.
Dans ce cas, comme la menace diminue (être chassé), le fait que le cheval baisse la tête et / ou se lèche les lèvres et mâchouille, peut indiquer une redistribution de la salive dans la muqueuse buccale (10)

De là, il est clair que l'interprétation générale de ce besoin de se lécher les lèvres, de mâchouiller et le fait de baisser la tête, doit être mis à jour.

Durant les entraînements dans le rond de longe, le cheval n'apprend pas à accepter l’entraîneur comme un leader, mais il apprend comment éviter d’être chassé, ce qui n'est guère un résultat significatif étant donné que c'est une réponse normale pour un animal de proie.



Leadership, Alpha, Dominance et soumission :
Contrairement aux croyances communes, des études éthologiques publiées montrent que les leaders sont rarement les individus les plus agressifs et les plus dominants (11 12) la société des chevaux est matriarcal, elle est basée sur les associations à long terme entre les individus et la réponse habituelle à l'agression est l’évitement ( quand vous demandez à votre cheval de "bouger" en utilisant le RN ou PP, le fait que le cheval le fasse n'est donc pas la marque que vous êtes le leader, et sa réponse n'est donc pas significative puisque l’évitement est une réponse normale en cas d'agression)

Dire que l'entrainement dans un rond de longe marche, parce que le leader du groupe montre de la dominance envers un autre, est une théorie erronée. De plus parmi les nombreuses études sur le comportement du cheval populations "sauvages" et domestiques, il n'existe pas de rapports crédibles sur un cheval chassant un membre du troupeau et qui le garde au loin.
Il est séduisant de penser qu'a la fin d'une session en rond de longe, le cheval aura accepté l’entraîneur en tant que leader.

Il n'y a aucune preuve que les chevaux aient jamais perçu l'homme comme un «cheval honoraire», ou que nous pouvons nous insérer dans leur organisation sociale.

Nous avons des preuves sur la capacité des chevaux à comprendre par exemple les catégories de tailles, couleurs, formes (14), mais nous n'en n'avons pas encore pour ce qui est des capacités cognitives pour comprendre des concepts comme le respect et le leadership. (J'en profite pour ajouter qu'il est déjà très difficile chez nous humain de se mettre d'accord sur le mot respect et sur ce qu'il englobe et contient. Les chevaux ne sont pas vicieux ou irrespectueux, mais ils peuvent répondre par exemple : par peur, ou par ce qu'ils pensent que c'est ce que l'on attend d'eux, ou encore ils ont remarqué que s'ils faisaient certaines choses ils obtenaient telle ou telle chose... et même parfois il arrive que nous ayons renforcé involontairement certains comportements.)

On explique ça bien mieux par la réactivité du cheval face aux signaux de l’entraîneur, si à la place de dire que le cheval "nous respecte" on disait que le cheval répond à nos signaux discrets, il y aurait très peu, voir aucune chance de confusion à propos de ce que cela veut dire... Cela met en lumière un autre aspect problématique de promouvoir des méthodes d'entrainement "différentes", le jargon qui leur est associé est souvent très difficile à déchiffrer. Éliminer où au moins réduire l'utilisation des termes non quantifiables dans l'entraînement des chevaux, améliorera sans aucun doute le bien-être des chevaux à l'entraînement. Il y a quelques études qui ont montré à quel point pouvait être problématique l'utilisation de jargon dans l'entrainement des animaux. Par exemple les gens sont souvent en désaccord sur les labels à mettre sur les caractéristiques comportementales des animaux avec lesquels ils étaient très familiers (15, 16) c'est également apparu dans une étude australienne avec les coachs du NCAS (8). Par conséquent un certain nombre de chercheurs ont conclu que l'utilisation de labels descriptifs (par opposition aux mesures comportementales) reste discutable (8, 16-19)



L'explication des théories de l'apprentissage durant un entrainement dans un rond de longe :
Il y a ici une application du renforcement négatif, où un stimulus aversif/une pression est appliquée (chasser) et est ensuite relâchée (ex on arrête de chasser) dès que le cheval effectue la réponse désirée (cheval qui baisse la tête, qui ralentit). Lorsque ce processus est répété un apprentissage par association se développe entre la réponse ( cheval qui ralentit et montre les signaux désirés) et le fait que vous arrêtiez de le chasser... (6,20)
Essentiellement le cheval apprend à éviter d’être chassé en approchant l’entraîneur au centre du rond de longe, il n'a pas appris à accepter l’entraîneur comme un leader, il a appris à éviter d’être chassé, ce qui n'est guère un résultat significatif étant donné que c'est une réponse normale pour un animal de proie. Il est aussi possible que l’entraîneur qui est au centre du rond de longe renforce positivement l'approche du cheval en modifiant leurs signaux agonistes en grattouillant la tête du cheval... Cependant une recherche a montré que si nous voulons que les chevaux restent avec nous alors c'est le garrot que nous devrions grattouiller (21) ( de plus grattouiller le garrot fait baisser la fréquence cardiaque de votre cheval)


Implication du bien-être lors de l'entrainement en rond de longe :
L'entrainement dans un rond de longe, est souvent prôné comme étant une méthode d'entrainement éthologique ou sympathique car elle exige une compréhension du comportement du cheval. Elle est souvent considérée comme une méthode douce et humaine car la coercition est moins apparente que dans les techniques de contention traditionnelle, et le contact entre l’entraîneur et le cheval est minime. Bien que les mérites d'un entrainement de "non-intervention" soient proposés comme humain et non coercitif, les chevaux restreints ou non vont éviter d’être chassés. Chasser un cheval résulte d'un essai de la part de ce dernier à mettre de la distance entre lui et l’entraîneur, et il est probable que les chevaux font une association entre leur état de peur et la présence de l’agresseur au centre du rond de longe. De plus, le bienfait d’être chassé spécialement dans un espace confiné a été questionné (22) ça peut servir seulement à améliorer les réponses de fuite et rendre ce comportement plus susceptible de se reproduire dans d'autres circonstances, ce qui dans un intérêt de sécurité devrait être évité dans toutes manipulations d'animaux...(23)
En outre la peur et le stress sont connu pour réduire l'apprentissage (24) et donc peut-être considéré comme contre-productif si l'objectif de l'entrainement est d'être efficace. Les humains ont besoin d'être incroyablement prudents sur la façon dont ils interagissent avec les chevaux car ils sont très souvent reliés au stress physique et physiologique
(25)

Alors que nous pourrions spéculer sans fin sur ce que le cheval pense de l'ensemble du processus, tel que mentionné plus tôt, nous devons aussi accepter le fait qu'il est fort probable que nous ne saurons jamais avec certitude ce que pense le cheval exactement. Dans l'intérêt du bien-être du cheval, il est préférable de considérer les explications les plus objectives, car non seulement elles peuvent être mesurées et expliquées, mais elles nous permettent aussi d'aborder les choses sans trop d'anthropomorphisme . Au lieu d'accepter diverses hypothèses anecdotiques, nous pouvons clairement voir que le cheval réagit à la pression (être chassé) et son relâchement (on arrête de le chasser) c'est du renforcement négatif.
Etant donné que les résultats des recherches menées sur le rond de longe, ont montré qu'une fois que le cheval était dans un lieu différent les effets étaient perdus (6) alors nous avons besoin de reconsidérer l'efficacité de l'entrainement dans un rond de longe, si cela fonctionne seulement dans un rond de longe pourquoi ce n'est pas pratiqué de telle sorte que les effets soient applicables indépendamment du lieu. Cela en ferait surement une méthode d'entrainement plus précieuse. Ce n'est pas vraiment surprenant que le résultat final d'un entrainement en rond de longe soit inefficace, lorsqu on quitte le rond de longe ça ne place pas la réponse " approcher l'humain" sous le contrôle du stimulus.

Si l'on considère les bases neuronales du comportement et le fait que les connexions entre les neurones dans le cerveau ne soient pas fixes, mais sont renforcées par l'expérience, il semble alors logique que nous voulions que le cheval pratique les réponses que nous désirons et pas les autres. De ce point de vue, nous ne voulons pas que le cheval pratique la réponse de fuite, ou pire, causer une association entre nous et une réaction de fuite.
Une analyse similaire peut être faite sur toutes les différentes techniques d'entrainement..."


Sources
Dr Amanda Warren-Smith 
Different Training Methods... are they really that different? http://www.horsesandpeople.com.au/sites/default/files/articles/AWarren-Smith_Different_Training_Mar11.pdf 
Vous pourrez trouver la liste des références mentionnée dans l'article ici: http://www.horsesandpeople.com.au/article/different-training-methods-are-they-really-different-0


Encore une fois, mes commentaires sont entre parenthèses, bon nombre de mes collègues et moi-même préférons couper le son lorsque nous analysons une vidéo... ainsi nous ne nous perdons pas dans des explications parfois farfelues, parfois mystique (aussi tentantes soient elles). Il ne reste plus que les faits... Je suis ravie qu'elle ait mentionné aussi le fameux mythe du leader et de la dominance. 

« Si vous entendez un bruit de sabots, pensez à des chevaux, pas à des zèbres ».

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